Transistor perd volontairement le public dans son réseau afin de l’impliquer directement dans sa perception. Le lieu de représentation est un labyrinthe dynamique où la promenade et l’exploration ont remplacé le rapport frontal du concert classique.
Les musiciens sont isolés, mais reliés par un réseau de réception et de diffusion sonores qui assurent la cohérence de la performance.
Ce réseau, le S-Laner, est un dispositif conçu spécialement pour «Transistor» dans le but de maîtriser, transformer et distribuer toutes les infos qui y transitent. Le public parcourt le lieu à sa guise, au gré des rencontres musicales et des expériences sensorielles.

"pulse" extrait video
Descriptif
En termes de transmission d’informations,
un concert peut être modélisé
comme suit: Un groupe de musiciens
crée un message musical en transmettant
de l’énergie mécanique à leur instrument.
Ce message sonore est ensuite
relayé par un système de sonorisation afin
qu’en profite le public.
Le fait de diffuser le son des musiciens par
une amplification représente en soit une
distorsion de la musique et implique notamment une autre dénaturalisation, celle
de l’écoute des musiciens entre eux: Ils ne
peuvent plus entendre le son direct des
autres musiciens car il est couvert par celui
des enceintes.
Pour écouter leurs comparses, les musiciens doivent également se munir d’enceintes ou de casques de «retour» dans lesquels on recrée une image artificielle du son direct de tous les instruments.
Ce système de «retour» comme les enceintes destinées au public sont gérés par une régie son pilotée par un ou plusieurs individus.
On comprend bien l’importance de l’élément «régie» quant au bon déroulement d’un concert du point de vue du publicmais aussi du point de vue des interprètes.
Que se passe t-il si les musiciens sont
isolés les uns des autres, disséminés
dans un lieu que le public parcourt à sa
guise? Si leur seul contact avec les autres musiciens est un retour casque contrôlé par une régie qui brouille les pistes ? Si l’espace de sonorisation est également coupé des musiciens et piloté par cette même régie qui a tous les droits ?
Cette configuration tente l’expérience
et ouvre un espace de liberté grâce à la contrainte, créant ainsi un concert à subjectivités multiples.
L’enjeu pour les interprètes comme pour
le public étant de trouver son chemin
propre à travers ce réseau où les informations sonores et visuelles sont complètement isolées et éclatées. Les trois éléments que sont musiciens, public et régie multimédia sont imbriqués dans une action commune en étant reliés par des connexions sensorielles variées.


le concert éclaté
"transistor" au Manoir de Courbessac 01 2011
Le seul contact que possèdent les musiciens avec le reste du groupe est leur retour casque, géré par le cerveau central. Le rôle du retour est normalement de rendre compte clairement de ce que jouent les autres musiciens. Dans le dispositif de Transistor, ils n’ont aucune certitude quant à la véracité des informations qu’ils reçoivent. En effet, si les musiciens ne se voient pas entre eux, ils ne peuvent pas savoir si ce qu’ils entendent correspond bien à ce que les autres sont en train de jouer. Ils reçoivent juste une image auditive que leur crée un des interprètes/administrateurs du cerveau central. Par exemple, il peut décider de couper le son dans un retour casque, le musicien se pense alors seul en train de jouer. Autre exemple, il envoie dans un retour casque un enregistrement, l’instrumentiste joue alors avec un «fantôme » qu’il est seul à entendre. Le dispositif peut donc imposer des contraintes variées et maîtrisables, provoquer des réactions improvisatoires qui ne seraient pas arrivées dans une situation de concert classique. C’est sur ces principes de composition originaux qu’est construit le déroulement musical de Transistor.
Transistor se déroule dans un lieu découpé en plusieurs espaces isolés. Chacun des trois musiciens bassiste, batteur et saxophoniste joue dans son espace et ne peut pas voir les autres. Le public ne peut jamais voir le groupe dans son intégralité. Une régie accompagnée d’un système de diffusion sonore et visuelle occupe également un espace propre.
Le rôle de la régie, sorte de cerveau central, est de connecter tous les éléments de la performance entre eux. Elle gère les retours aux casques de chacun des musiciens, et diffuse dans son espace un mixage subjectif des différentes sources sonores. L’ensemble du dispositif est un outil original modulaire et adaptable que nous appelons S-laner. Ce cerveau central est piloté par deux «administrateurs interprètes». L’un gère les informations envoyées aux musiciens et l’autre spatialise toutes les sources sonores dans l’espace de diffusion.

Dispositif et régie multimédia: le S-laner

Composition et interprétation
(basse electrique effets) Olivier Lété
(percussions) Emmanuel Scarpa
(saxophones et effets) David Caulet
Dans l’espace de diffusion, les sons se déplacent autour du public sur un système multicanal de quatre haut-parleurs ou plus. C’est uniquement là que le groupe entier, dans sa totale absence physique, peut être entendu. Les sources sont invisibles, le concert est acousmatique, les différents haut-parleurs constituent l’instrument dont joue un des interprètes/administrateurs. Chaque source est une masse sonore que l’interprète diffuse dans l’espace. Ces masses sonores se déplacent de manière entièrement programmée ou de manière dynamique en réagissant à l’intensité ou la hauteur. Un facteur important avec lequel doit jouer cet interprète est le résidu de son direct des différents instruments. En effet, il en parvient toujours dans l’espace du cerveau central si bien que ce phénomène devient un élément d’interprétation en ce sens qu’il permet, avec la diffusion, de créer des sensations de masquage, de direction, de relais et de lieu. Le concert est rendu dans son intégralité mais d’une manière totalement subjective et contrôlée. Le dispositif propose de déconstruire l’image du concert par un éclatement physique du groupe dans les divers espaces proposés par le lieu de représentation.
Diffusion et amplification
"shadow" extrait video , performance au manoir de Courbessac
Sur le plan scénographique Transistor travaille à faire figurer visuellement les rapports physiques, techniques ou de l’ordre de la communication que va engendrer cette dispersion spatiale. Il ne s’agira pas tant de documentations que de dispositifs poétiques utilisant la métaphore du câble, des flux, des «plugs», ou bien encore scénarios de compositions musicales inhérents au travail «aveugle» mais «à l’écoute» des artistes sonores. Le projet Transistor, c’est quatre concerts, au sens classique du terme, qui se jouent simultanément et forment un tout dont la cohérence est gérée par une régie appelée le S-Laner. Habituellement, les musiciens ont une certaine conscience du concert qu’ils réalisent et utilisent cette faculté pour construire le discours musical. Dans Transistor, ils sont dépossédés de cette intention. Le concert «intérieur» qu’ils sont en train de vivre est différent de celui «extérieur», vécu par le public. Car le public lui, a accès à tous les espaces de création, c’est à dire, aux trois lieux d’émission sonore et au lieu de diffusion pour se créer son propre concert en choisissant ses points d’écoute. Les espaces interagissent de manière acoustique entre eux et créent une infinité
de mixages différents, chaque individu peut ainsi glisser et choisir entre ces différents points de vue sonore.
Espace et scénographie
(diffuseur) Marc Siffert (routeur) Jean-François Oliver
contact : valparess@free.fr